La Théorie de l'écureuil

La Théorie de l'écureuil

La microéconomie de l'attention

Voici une théorie qu'on a découverte sur Les Eclectiques - une newsletter qui relie la littérature et la science pour éclairer l'actualité. Forcément, le projet nous a beaucoup parlé... et cette théorie encore plus que les autres. Alors on l'a transposée à la sauce Topo. Et si vous voulez lire l'original, c'est là

Temps de lecture : 5 min. 

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Parce que l’information au temps des réseaux sociaux ressemble de plus en plus à une jungle, aujourd’hui, nous voici dans une forêt. Et dans cette forêt, on retrouve deux écureuils. Leur nom ? Chez Disney, ils se seraient appelés Tic et Tac… mais aujourd’hui, on va plutôt les appeler Tik et Tok. 
Dans la vie, Tik et Tok ont une passion : scroller toute la journée se balader dans la forêt, à la recherche des plus belles noisettes. Ce matin-là, ils sautillent gaiement de pomme de pin en pomme de pin quand, en levant les yeux, ils aperçoivent un superbe noisetier… 
 

Ni une ni deux, ils grimpent à l’arbre et commencent à glaner les plus belles noisettes. Tout écureuil un tant soit peu compétent vous le dira : quand on glane des noisettes, on commence toujours par les plus appétissantes ou les plus accessibles. Et on termine évidemment par les plus éloignées, celles qui ont été mangées par les insectes, ou qui sont vraiment trop petites. 

Ce que Tik et Tok savent instinctivement, les microéconomistes (et le biologiste Eric Charnov en particulier) lui ont donné un nom : la diminution de la valeur marginale. Cela implique que plus Tik et Tok resteront longtemps dans l’arbre, moins leurs efforts seront productifs… Comme le montre cette courbe : 

 
Tik et Tok continuent donc à ramasser des noisettes. Mais au bout d’un moment, ils fatiguent. Et les noisettes qu’ils récoltent commencent à être vraiment trop moches ou trop petites. Bref, ils pensent être arrivés à leur point de saturation : cet endroit de la courbe d’utilité où ils considèrent que le rendement de l’arbre n’est plus satisfaisant. 
 

 
Fatigués, Tik et Tok se posent sur une branche et regardent un peu autour d’eux. C’est là qu’ils aperçoivent un autre arbre, aux branches lourdes de belles grappes vertes et brunes. L’arbre est tentant, mais il n’est pas non plus juste à côté… Et, même si elles sont un peu hautes, il reste quand même quelques belles noisettes sur leur arbre actuel,.. Alors ils hésitent : à partir de quand devient-il rationnel de changer d’arbre ?
 

 
Là encore, les microéconomistes auraient la réponse. Comme le montre le schéma juste au dessus, cette décision dépend de deux choses : 
-le point de saturation (point A) de Tik et Tok 
-la distance du 2e arbre 
 
En l’occurrence ? Tik et Tok ont été un peu flemmards : au point A, il est encore un peu prématuré de quitter l’arbre. Mais ils ne sont pas loin du point B, aka le moment où il sera rationnel pour eux de se déplacer… 

La question qui se pose, c’est celle-ci : et si l’arbre avait été plus proche ?

Ça aurait tout changé. Car plus l'arbre d'à côté sera proche, et moins il sera rationnel de rester longtemps dans le premier... 

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De quoi parle-t-on exactement ? En fait, cette histoire de noisettes et d'écureuils est une excellente métaphore de la grande bataille de l’attention.

Le grand changement de l’ère du digital, c’est la densification de la forêt de l’information. Elle se caractérise par deux phénomènes : 
-d'abord, il y a de plus en plus d’arbres. Et comme l'explique le schéma plus haut, plus un arbre proche, plus notre point de saturation s'abaisse. 
-mais en plus, chaque arbre nous promet des noisettes de plus en plus belles, de plus en plus grosses. 


Le clickbait ou les vidéos courtes ont déplacé le curseur. Le niveau d’effort qu’on est prêt à consentir pour s’informer a largement diminué… Ou pour reprendre la métaphore des noisettes : on ne prend plus le temps d’aller chercher les noisettes les plus difficiles d’accès. 
 

 
Résultat ? On se retrouve un peu comme des Tarzans fous, à bondir d'arbres en arbres en hurlant à travers la jungle luxuriante de l'infinie offre de contenus du présent...

C’est ce qu’explique Adam Gazzaley, dans The Distracted Mind, Ancient Brains in a High Tech World. Pour lui, la multiplication des sources disponibles a même modifié notre courbe de l’attention - c'est-à-dire que nous avons largement abaissé le seuil à partir duquel on considère qu'il est rationnel de zapper.

Bref, le zapping est devenu légitime

Pour lutter contre le zapping ? Quelques conseils et recos lectures : 

-Désactiver les notifications pour les apps qui ne sont pas indispensables
-Prendre un abonnement à un média de référence - les articles gratuits, malheureusement, ça ne suffit pas.
-Regarder des docus sur Arte.tv. Nos derniers kifs ? Celui sur Zelensky, quelques épisodes du Dessous des cartes, ou encore celui sur Jim Carrey.
-Transformez vos temps de zapping en temps d'approfondissement. Exemple ? Lire des livres dans le métro. 

Ne soyons pas des écureuils : redonnons un peu d'espace au temps long. 

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Merci encore aux Eclectiques pour avoir formulé la théorie initiale dans leur article la Tragédie de l'Ecureuil

Topo, n.m., {escalade} : guide utilisé par les alpinistes et décrivant la voie pour atteindre le sommet.